Chapitre I- II - 4 (fin).

100. A quelles conditions l'artiste peut-il faire œuvre d'art ?

Art => technique, càd savoir-faire (habileté) appuyé sur des savoirs (modèles théoriques, conventions académiques, histoire de l'art).

 Artiste doit concilier : respect d'un système conventionnel hérité // expression singulière d'une idée universelle

Trois visions classiques de l'artiste :

- un médium, possédé par une inspiration divine qui lui échappe (Platon, Ion : chose légère, qui n'a pas toute sa tête et dont s’empare les dieux).

 - un génie doté d'une imagination si puissante qu'elle s'impose à son entendement (Kant CFJ : §46 : à travers la puissance créatrice de l'artiste, la nature règle l'art)

 - un visionnaire intuitif, capable de ramener l'imaginaire vers les formes de la raison (Hegel, Esthétique : intuition imaginaire centrée sur une seule idée, selon sa logique interne)

 Renvoie au problème de "l'inspiration" : 

Pour Platon = artiste authentique (poète) ni responsable, ni maître de ses oeuvres => ne sait pas ce qu'il fait, ni comment, ni pourquoi.  « Délire » sacré. S'il n'est qu'un habile technicien, ce n'est qu'un faussaire et un fabricateur de simulacres.

Artiste ne serait qu'un messager des dieux ? Pourtant, s'adresse aux hommes par des moyens humains, représente leur condition d'homme et de ses paradoxes.

Capable de communiquer, de partager une réalité commune, d'user d'un système de convention culturel reconnu. 

Pour Kant = talent naturel qui associe vivacité de l'imagination et bonne discipline dans le jugement. L'artiste ignore comment lui viennent ses idées, incapable de les expliquer ou d'en donner la méthode, mais il sait parfaitement juger ce qu'il fait. 

En ce sens, l’œuvre d'art demeure un mystère, dont la source réside dans un « sens » esthétique naturel → comme si se montrait par là que la plus grande liberté de l'esprit s'accorde avec la plus vive spontanéité de la sensibilité.

Mais difficile de penser que l'artiste assiste en spectateur à la la création d'une œuvre qui se fait presque malgré. Accomplit travail de recherche, de perfectionnement, d'affinement des méthodes qui exige attention et réflexion constantes. 

Pour Hegel = intuition d'une vérité universelle à travers l'imagination, insaisissable comme telle par la conscience, mais qui exige (de manière obsessionnelle) de trouver son expression matérielle adéquate.

« Pensée en fermentation » fait surgir des images → l'artiste ne laisse pas libre cours, mais examine, distingue, sépare, choisit ce qui peut donner à saisir en images une vérité conceptuelle universelle, sous une forme ni conceptuelle (zbstraite) ni anecdotique (restrainte). 

 Oeuvre d'art = produit de la volonté et de la raison, qui cherche l'aboutissement rationnel de la pensée vers une forme d'intelligence universelle vivante (en acte).

Cependant conceptions de la création artistique reposent sur l'idée d'un monde partagé par les hommes, une communauté de valeurs et de pensée. 

 → Idée violemment contestée dans le domaine de la création contemporaine :

• refus de la beauté sensible, séduction trompeuse = abstraction

• refus des conventions et des traditions = art conceptuel, anti-art

• refus de la ségrégation élitiste par l'habileté et la culture acquise = art brut

PB : l'art peut-il se développer sans référence à la réalité, à la notion de goût (ou de discernement critique), à la culture et à l'habileté technique ?

Création contemporaine (depuis le début du 20ème siècle) se construit par distance critique par rapport à ces critères => les intègre en les dépassant. 

Conclusion :

L'art comme domaine d'activité spécifique de l'homme pourrait se caractériser indépendamment du contexte (époques et des cultures) par : 

- manifestation sensible de pensées sous forme détachée de tout intérêt vital

- attachement à des idées trop vaste pour l'expérience mais qui lui donnent sens

- recherche de communication universelle par formes singulières concrètes  

Osciller sans cesse entre sacralisation sociale (patrimoine) et transgression des valeurs établies (renouveau) mais ne disparait jamais comme mode d'affirmation fondamental de soi par l'homme.