Chapitre I - II - 4. (suite)
2ème solution : principe immanent à la nature, structure des formes sensibles.
L'objet saisi et représenté par l'artiste n'est pas l'objet qui lui sert de modèle (cf. Magritte : Ceci n'est pas une pomme). Il est plus significatif de la réalité de cet objet que ne l'est l'original.
Que se passe-t-il dans la transposition artistique de l'objet ? La révélation de sa nature propre, de son essence propre ?
Cf. texte d'Aristote. Poétique IV.
→ expérience du réel = massive et déformée par les affects (émotions, désirs, intérêts...)
L'image est détachée du contexte vital, déconnectée de la pratique, livrée à la contemplation.
L'objet représenté hors du circuit des affects et des appétits peut être expérimenté « à vide » à titre de fiction analogique.
Cf. la notion de « catharsis » ou purgation des affects par spectacle de malheurs abominables (tragédie). Permet d'explorer les profondeurs de l'âme humaine sans en être affecté de manière vitale. Identifier l'objet (ou s'identifier à lui) permet de saisir son essence par sa forme.
Si l'objet n'est pas connu, alors l'art suscite la curiosité, l'étonnement, l'intérêt : la qualité du travail fait l'attrait de la représentation.
La beauté de l’œuvre réside dans son adéquation (justesse) avec l'ordre immanent de la nature.
Problème : art favorise meilleure intelligence de la réalité par la représentation ≈ sorte d'interprétation éclairante. Mais peut-on limiter la création artistique à la contemplation de ce qui est, alors qu'elle est invention de mondes imaginaires à l'infini, bien au-delà de ce qui est donné ?
Si l'art est médiation entre l'esprit et les choses et si la beauté (comme perfection formelle) est l'indice de sa réussite
=> alors beauté = norme intrinsèque à l'esprit, plutôt qu'un principe immanent ou transcendant ? Car intérêt de l’œuvre réside dans la puissance de propagation de la pensée de son auteur.
N'est-ce pas en cela que reposerait la clé de ce qu'on qualifie de beauté dans l'art ?
Cf. texte Hegel.
Paradoxe de l'art : donner à percevoir des pensées universelles. Rendre sensibles formes essentielles de la conception rationnelle (essences ou « idées »).
Besoin de l'esprit = extérioriser, porter hors de soi une pensée singulière (conception) qu'il porte en lui
=> avec difficulté redoutable : hétérogénéité radicale entre le mode d'expression sensible et le mode de conception intellectuelle. Décalage qui fait la vitalité mouvante de l’œuvre.
Idée => constellation de significations autour d'une pensée fondamentale [universelle] qui ne se laisse pas enfermer dans le cadre rationnel des concepts → s'égare dans le sensible en quête d'un contenu adéquat inépuisable.
Tenter de comprendre (embrasser par la pensée) ce qui ne peut s'entendre (s'analyser conceptuellement) de manière satisfaisante = déborde de manière irrépressible vers la sensibilité.
Forme de réalisation des fondamentaux (non expérimentables) de la condition humaine. « Beauté » comme idéal de l'esprit accompli dans le monde.
Problème : à quelles conditions une telle réalisation peut-elle s'accomplir, sans disparaître dans l'effusion sentimentale ou l'abstraction ineffable, sans redoubler inutilement le réel ? A quelles contraintes la création esthétique doit-elle se soumettre ?